Accident de ski – Condamnation de la Société des Trois Vallées pour défaut de protection d’un local technique

Notre cabinet vient d’obtenir la décision suivante : cour d’appel de Chambéry du 27 juin 2013, no 12/01628.

Voir l’arrêt in extenso : accident de ski sur piste bleue, local technique non protégé, condamnation S3V.

Les faits : alors qu’elle évoluait sur une piste bleue de Courchevel, l’Ariondaz, Mme X… a franchi une simple corde à boules et percuté le toit d’un bâtiment technique situé en contrebas de la piste, se causant de multiples blessures.

Le tribunal déboute Mme X… de sa demande d’indemnisation au motif que le demandeur n’établissait pas de faute imputable à l’exploitant des pistes, la Société des Trois Vallées, considérant que la piste de difficulté moyenne était bien balisée, que le bâtiment technique était derrière les cordons de sécurité et que le rapport indique que Madame X… « a dû perdre le contrôle de sa vitesse que son mari, se trouvant devant elle, n’a pu apprécier ».

L’obligation de sécurité de moyens, eu égard au rôle actif du skieur, n’aurait donc pas été violée par l’exploitant, selon le tribunal.

Sur appel de la victime de l’accident, la cour infirme intégralement le jugement entrepris et juge que l’obstacle présente une dangerosité certaine compte tenu de l’arrête aiguë du bâtiment en béton et de l’avancée de son toit accentuée en période d’enneigement, du fait de la formation d’un fossé profond autour du bâtiment dont l’avancée du toit venait affleurer les rebords, que ce fossé était beaucoup moins visible que le bâtiment lui-même, le tout amenant à considérer que la mise en œuvre de deux séries de moyens pouvait raisonnablement être attendue de l’exploitant pour satisfaire à son obligation de sécurité : une signalisation et une protection adaptée.

Selon la cour, la corde à boules constituait un moyen suffisant de signalisation au sens de la norme NF S 52-102 de juillet 2001.

S’agissant de la protection, la cour constate l’absence de tout moyen alors qu’un filet de protection empêchant, physiquement parlant, la rencontre entre un skieur et l’obstacle, à l’instar de celui mis en place par la suite, pouvait aisément et efficacement être installé.

La cour juge donc que la Société des Trois Vallées a manqué à son obligation de moyen en ne mettant pas en place un tel dispositif, simple, qui aurait permis d’éviter l’accident.

La cour poursuit en rappelant que le défendeur peut s’exonérer de sa responsabilité en établissant que Mme X… a commis une faute.

La cour rappelle que personne n’a vu l’accident. Aucune faute ne peut donc être démontrée.

Par conséquent, la chute d’un skieur (ou le défaut de maîtrise), particulièrement sur une piste bleue censée accueillir des skieurs au niveau raisonnable, est toujours prévisible et n’est pas fautive comme l’avait estimé le jugement critiqué.

Cet arrêt est doublement intéressant : premièrement, un bâtiment technique est un obstacle non naturel et, deuxièmement, sa situation et la configuration des lieux appelaient ensemble une évaluation adaptée des risques de collision avec un skieur.

En outre, la cour rappelle une évidence parfois contestée et juge que la charge de la preuve de la faute d’un skieur pèse sur l’exploitant, qu’elle ne peut être présumée, mais doit être démontrée.

La Société des Trois Vallées est donc condamnée à indemniser intégralement la victime de l’accident.

Après avoir farouchement contesté pendant plusieurs années sa responsabilité, la Société des Trois Vallées, aujourd’hui condamnée, avait pourtant, immédiatement après l’accident, protégé sérieusement le bâtiment technique…

Le présent arrêt est donc pédagogique à plus d’un titre et évitera un nouvel accident.


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