La Cour d’appel de Grenoble et l’indemnisation des affections liées à l’amiante

D’après le rapport dressé par le FIVA pour son activité 2007 p 47, le contentieux devant la Cour d’appel donne souvent lieu à indemnisation complémentaire pour le demandeur.

Certaines Cours d’appel prononcent des majorations importantes, d’autres ont une pratique de confirmations fréquentes des offres.

Peuvent être observées deux tendances d’après les chiffres publiés par le FIVA :

Dans 23% des cas, les décisions ne majorent pas l’offre du FIVA.

Dans 34 % des cas, l’offre du FIVA est cependant majorée de 50% par la Cour d’appel saisie.

Quelques décisions intéressantes et récentes de la Cour d’appel de Grenoble et Paris en matière d’amiante.

Pour des raisons de confidentialité, les noms et les références précises des arrêts ne sont renseignés, les arrêts ci joints ne sont pas résumés, mais seuls les aspects intéressants sont évoqués.

D’autre part, tous les postes de préjudices indemnisables ne sont pas toujours évoqués ci dessous, parfois en raison du fait que l’offre faite par le FIVA a été partiellement acceptée et que la Cour n’est donc pas saisie d’une demande pour tous les postes de préjudice :

L’assiette de la rente FIVA est de 17.828 € par an.

Dans un arret  Guy B C/FIVA CA GRENOBLE du 14/4/2011, la caisse attribue un taux de 5% d’incapacité permanente à l’assuré atteint de plaques pleurales calcifiées bilatérales, qui se voit indemnisé par l’allocation de 8.000 € au titre de la souffrance physique, 16.000 € au titre de la souffrance morale(caractérisé par la certitude d’avoir inhalé des fibres d’amiante et d’etre atteint d’une affection irréversible, l’angoisse d’une aggravation de l’état de santé, la crainte de chaque examen de controle au moins tous les 3 ou 4 mois et un sentiment d’injustice), ainsi que 3000 € au titre du préjudice d’agrément.

Dans un arret S C/ FIVA: CA GRENOBLE du 14/10/2010, carcinome bronchique entre 2008 et 2009 la cour alloue les sommes suivantes : 65.000 € au titre des souffrances physiques, 100.000 € au titre des souffrances morales, 25.000 € au titre du préjudice d’agrément, 5000 € au titre du préjudice esthétique.

Dans cette affaire la Cour a alloué la somme de 50 000 € à l’épouse mariée pendant 45 ans au de cujus. Les enfants âgés entre 11 et 3 ans se voyaient tous allouer la somme de 20 000 €  et les petits enfants la somme de 6 000 € au titre du préjudice  moral.

Dans une affaire B c/ FIVA du 10 juin 2010, la Cour a alloué les sommes suivantes à la victime d’un cancer broncho primitif  : 100.000 € au titre des souffrances morales, 60.000 € au titre des souffrances physiques, 30.000 € au titre du préjudice d’agrément, 8.000 € au titre du préjudice esthétique.

Dans une affaire C C/ FIVA du 9 septembre 2010, carcinome bronchique de novembre 2007 à avril 2009, la cour alloué 51 jours de tierce personne 6 heures par jours, la somme de 40 000 € au titre des souffrances physiques, 85000 € au titre des souffrances morales, 25 000 € au titre du préjudice d’agrément, et 45 000 € à l’épouse de plusieurs dizaines d’années de mariage. Les enfants se voient allouer la somme de 15.000 € au titre du préjudice moral et les petits enfants la somme de 5000 €, indemnisés de la meme facon quelque soit leur age (ici entre 2 et 17 ans).

Dans un arret de la chambre sociale du 27 avril 2010, Consorts A.C/ FIVA :
Monsieur A est décédé à l’âge de 62 ans, d’un adénocarcinome pulmonaire multimétastatique.
Les ayants droits de Monsieur A ont repris l’instance engagée par leur auteur. La cour d’appel de Grenoble confirme l’offre du FIVA en ce qu’elle a alloué la somme de 3.300 € par petits enfants du de cujus. La cour estime par contre insuffisante l’offre de 8.700 € allouée aux deux fils au titre du préjudice moral et leur alloue chacun la somme de 15.000 €. Les frais d’obséques sont remboursés et la somme de 1000 € est allouée au titre de l’article 700 du CPC.

Dans un arret F C/FIVA du 12 janvier 2010, la Cour alloue la somme de 45.000 € à l’épouse du de cujus décédé d’un cancer broncho pulmonaire après 47 ans de mariage et 35.000 € à la fille au terme d’une période d’accompagnement important avec un abandon des études pour s’occuper de son père et impact sur sa propre santé.

Dans un arret du 9 février 2010, La cour estime que la relaxe du gérant du chef de blessures involontaires ne fait pas obstacle à une action contre la personne morale en faute inexcusable sur le fondement de 452-1 du css et 4-1 du code de procédure pénale.

Dans un arret du 9 décembre 2010, 09/2702, la cour alloue la somme de 5000 € au titre du préjudice esthétique d’un personne atteinte d’un mésothéliome et victime d’un amaigrissement de 10 kg.

Dans un arret Consorts S. C/FIVA, (juin 2009), la Cour d’appel de Grenoble est saisie de l’action successorale et peronnelle des ayants droits du decujus, décèdé le 5 novembre 2006 à la suite à mésothéliome épithélial diagnostiqué le 30 aout 2005.

Aucune offre n’a été faite au titre du préjudice fonctionnel permanent, au motif qu’il était intégralement pris en charge par l’organisme social par la rente annuelle aux ayants droits du décujus (veuve et orphelin mineur) d’un montant de 35.575 €…

Les consorts S.contestent devant la Cour la déductibilité de cette rente CPAM. Ils soutiennent que la rente de l’article L434-2 du CSS indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité (postes à caractère patrimonial) et qu’elle doit s’imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d »indemnité réparant l’incidence professionnelle.

Le FIVA estime que l’indemnité offerte au titre de l’incapacité fonctionnelle répare, selon la définition adoptée dans son barème indicatif, la réduction d’un potentiel physique, pscychosensoriel ou intellectuel résultant d’une atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne et qu’il s’agit de l’indemisation d’un préjudice à caractère personnel, le FIVA indemnisant distinctement la perte de gains et le préjudice économique…

Le FIVA soutient donc que l’indemnité servie par l’organisme social présente un caractère mixte en faisant observer qu’elle est liquidée non seulement par référence au salaire mais aussi par référence à un taux d’incapacité…

Attendu que, toutefois, le FIVA ne peut présumer que cette indemnité revêt une nature économique ou professionnelle et qu’il est ignoré, en l’état, si cette rente indemnise ou pas, indemnise en tout ou en partie, la victime pour un poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu’au regard de l’application combinée des dispositions visées en exergue, si cette indemnité servie par la caisse primaire d’ assurance maladie indemnise un poste de préjudice personnel, elle devra être déduite de l’indemnité offerte ou mise à la charge du FIVA pour ce même poste ;

Qu’il apparaît nécessaire, en conséquence, d’appeler en cause la caisse primaire d’assurance maladie de Vienne afin qu’elle s’explique sur l’imputation de ses prestations et qu’elle indique si la rente indemnise le déficit fonctionnel permanent et, si oui, dans quelle proportion.

S’agissant des offres, La Cour alloue au titre de l’action successorale : 40.000 € en réparation des souffrances physiques, 75.000 € en réparation de la souffrance morale, 25.000 € en réparation du préjudice d’agrément, 5.000 € en réparation du préjudice esthétique.

S’agissant de l’indemnisation des préjudices propres des ayants droits, la Cour alloue 30.000 € à la veuve de Monsieur S., 25.000 € pour le fils, et 4.000 € par petits enfants.

La Cour indemnise aussi le préjudice économique pour les années précédant le décès outre la rente d’ayants droits à la veuve et à l’orphelin encore mineur.

Dans un arret V. c/FIVA de mai 2009 : La cour d’appel de Grenoble a jugé  :
Attendu qu’au terme de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA est tenu de présenter à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l’application de l’article 31 alinéa premier et 3 de cette loi, dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ;

Que selon la définition adoptée dans son barème indicatif, l’indemnité offerte par le FIVA au titre de l’incapacité fonctionnelle répare « la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d’une atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne » ; que donc il s’agit de l’indemnisation d’un chef de préjudice personnel, le FIVA indemnisant directement le préjudice professionnel (perte de gain) et les frais

Que la rente accident du travail définie par l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale, qui combine divers critères tirés à la fois de la nature de l’infirmité, de l’âge de la victime, de ses facultés physiques et mentales, de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle ainsi que de sa rémunération antérieure, indemnise en revanche notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité ; qu’elle doit donc s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les pertes de gains professionnels, puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle ;

Qu’il s’ensuit que le capital majoré versé par l’organisme social ne peut être déduit de l’indemnisation du FIVA que s’il est démontré que cette prestation a, pour une part, effectivement indemnisé, de manière incontestable, un préjudice personnel de la victime

Que cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce et que donc il n’y a pas lieu dans ces conditions à déduction de l’indemnité en capital versée par l’organisme social.

 

Dans un arret Mr G. C/ FIVA de novembre 2008, la Cour d’Appel de Grenoble indemnise les préjudices moraux comme suit : la veuve par l’allocation de la somme de 45.000 €, les enfants par la somme de 15.000 €, et les petits enfants par la somme de 8.000 €.

Dans un arrêt Mr P c FIVA, Monsieur P. présentant une asbestose justifiant un taux d’IPP de 60% pour un volume expiratoire maximum par seconde VEMS amputé de 40%, la Cour alloue les sommes suivantes:

Au titre des souffrances physiques, 20.000 €, au titre du préjudice moral la somme de 25.000 €, le préjudice d’agrément est aussi indemnisé, une rente annuelle d’un montant de 7.693 € est allouée conformément à la confrontation du barème FIVA et du taux d’incapacité constaté.

Dans un arrêt M C/FIVA, Monsieur M est décédé des suites de son affection liée à l’amiante, la Cour alloue la somme de 50.000 € au titre du préjudice moral de l’épouse devenue veuve, et la somme de 35.000 € por chacun des enfants.

Dans un arrêt P. c FIVA, la Cour d’appel rejette la demande faite au titre de la tierce personne, au motif (notamment) que la demande de prestation de tierce personne n’a pas été formée a préalable auprès de l’organisme social…

Dans un arrêt N. C/FIVA, la Cour rappelle que le demandeur est recevable à demander toute indemnisation d’un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination de l’amiante. Le demandeur est ici agé de 54 ans, a été contraint d’interrompre son activité professionnelle. Son épouse, contrainte de réduire son activité professionnelle et d’apporter à son mari des soins est confrontée à des taches ménagères accrues, l’épouse est indemnisée par l’allocation de la somme de 25.000 €.

Dans un arrêt X C/ FIVA, la victime présente une plaque pleurale justifiant un taux d’incapacité de 5%. La Cour rappelle que l’acceptation de l’offre du FIVA ne peut valoir renonciation par la victime ou ses ayants-droits au bénéfice de la reconnaissance de la faute inexcusable et de la majoration de la rente subséquente. L’action du FIVA en reconnaissance de la faute inexcusable est donc recevable.

Dans un arrêt G C/ FIVA, la victime présente des épaississements pleuraux justifiant un taux d’incapacité de 10%., la somme de 5.000 € est allouée au titre des souffrances physiques, 16.000 € au titre du préjudice moral, et 8.000 € au titre du préjudice d’agrément.

Dans un arrêt L C/ FIVA, la victime présente un cancer pulmonaire justifiant un taux d’incapacité de 67%, la victime à subi une lobectomie, présente un essoufflement et son état nécessite des soins constants. La somme de 30.000 € est allouée au titre des souffrances physiques, 40.000 € au titre du préjudice moral, 25.000 € au titre du préjudice d’agrément, 3.5000 € au titre du préjudice esthétique pour une cicatrice de 3.500 €.

Dans un arret F C/ FIVA, la victime présente un carcinome bronchique, la somme de 40.000 € est allouée au titre des souffrances physiques, 40.000 € au titre du préjudice moral, 30.000 € au titre du préjudice d’agrément, 5.000 € au titre du préjudice esthétique consécutif à une lobectomie.

Dans un arrêt G C/ FIVA, la victime présente un mésothéliome justifiant une incapacité de 100%, avec besoin d’une tierce personne. La somme de 74.000 € est allouée au titre du préjudice moral et 24.000 € au titre du préjudice d’agrément.

Dans un certain nombre d’arrêts, la cour d’appel refuse d’écarter le barème du FIVA allouant une rente annuelle au titre de la réparation du déficit fonctionnel (qui est en matières d’amiante un poste de préjudice patrimonial et donc soumis au recours des tiers payeurs…, contrairement au droit commun).

Cette rente est fixée d’après le taux d’incapacité retenu selon le barème médical spécifique aux affections liées à l’amiante avec recours le cas échéant à une table de capitalisation qui est propre au FIVA.

La victime reste recevable à demander l’indemnisation des autres préjudices patrimoniaux, comme le préjudice professionnel et la perte de gains professionnels.

La réparation de l’incapacité devant le FIVA et devant la Cour d’appel est donc une rente annuelle d’un montant minimum de 406 € et maximum de 16.240 €.

Dans un arrêt Mr P c FIVA, la Cour d’appel de Paris le 1er aril 2004, alloue à la veuve au titre de l’action successorale la somme de 40.000€ au titre des souffrances subies par le défunt, 32.000 € au titre du préjudice d’agrément, et 140.000 € au titre des souffrances morales, soit un total au seul titre des préjudices extrapatrimoniaux la somme de 213.400 €.

Un pourvoi est formé par le FIVA, celui est débouté de toutes ses demandes de réduction des indemnités.

L’arrêt est rendu le 21 avril 2004 sous la Présidence de Monsieur DINTILHAC, numéro de pourvoi 04-06023.