La Cour de Cassation et la réparation des affections liées à l’amiante

Voici l’arret de cassation que notre Cabinet vient d’obtenir : Cassation de la Cour d’appel de Grenoble refusant d’indemniser complètement les besoins en tierce personne d’un malade de l’amiante percevant par ailleurs une prestation de compensation du handicap :

chambre civile 2
Audience publique du jeudi 16 juin 2011
N° de pourvoi: 10-20303

FIVA AMIANTE : Application du nouveau délai de prescription de 10 ans :

Attendu, selon le second de ces textes, dans sa rédaction issue du troisième, que la demande d’indemnisation d’une victime d’une maladie liée à une exposition
à l’amiante adressée au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le FIVA), se prescrit par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition à l’amiante, l’aggravation ou le décès ; qu’il est tenu compte, dans la computation, du délai déjà écoulé depuis l’établissement du premier certificat médical, ce dernier étant réputé avoir été établi le 1er janvier 2004 lorsqu’il l’a été à une date antérieure ; que le troisième de ces textes prévoit, au titre des dispositions transitoires, que pour bénéficier de la réouverture de son droit à indemnisation atteint par la prescription, la victime peut saisir à nouveau le FIVA à condition de se désister, le cas échéant, de son action en cours à l’encontre de la décision de rejet ; qu’est en cours, au sens de ce texte, l’action non encore irrévocablement jugée, ce dont il résulte que le droit nouveau peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;

Audience publique du jeudi 16 juin 2011 N° de pourvoi: 10-17092

FIVA AMIANTE : Indemnisation sur la base d’un taux de 100% d’incapacité, attention danger !

La victime qui accepte une offre sur la base d’un taux de 100% d’incapacité (offre « vie entière »), s’expose en cas  d’aggravation à ne pouvoir obtenir d’indemnisation complémentaire (ou les ayants droits en cas d’aggravation).

CC° chambre civile 2, 23 octobre 2008, N° de pourvoi: 07-20817

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que René X…, atteint d’un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 16 août 2004 et dont le caractère professionnel a été reconnu, a demandé la réparation de son préjudice au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le Fonds), lequel, retenant un taux d’incapacité de 100 %, lui a notifié le 27 avril 2005 une offre en réparation de son préjudice extra-patrimonial ; que cette offre a été acceptée par René X… le 2 mai 2005 ; qu’il est décédé le 21 janvier 2006 ; que ses ayants droit ont alors saisi le Fonds d’un complément d’indemnisation du préjudice extra-patrimonial de René X… compte tenu de l’aggravation intervenue depuis l’offre acceptée ; que le Fonds ayant refusé cette demande au motif que ce poste de préjudice avait fait l’objet d’une indemnisation acceptée par René X…, ils ont saisi la cour d’appel d’un recours contre cette décision ;

Attendu que pour fixer le montant du préjudice extra-patrimonial complémentaire subi par René X…, l’arrêt retient que les sommes attribuées au titre du préjudice extra-patrimonial visent à indemniser les souffrances, tant physiques que morales, subies par la victime ; que l’offre initiale a été présentée à René X… le 27 avril 2005 mais que l’intéressé a survécu jusqu’au 21 janvier 2006 si bien que les souffrances subies pendant les neuf derniers mois de sa vie n’ont, à ce jour, pas été indemnisées ;

Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que René X… avait accepté avant son décès l’offre que lui avait présentée le Fonds en réparation de ses chefs de préjudice extra-patrimonial, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé : CASSATION.

Cour de cassation, chambre civile 2, jeudi 4 novembre 2010, N° de pourvoi: 09-68903 :

La Cour de Cassation refuse ici d’indemniser le préjudice moral par ricochet, de la petite fille à naitre du défunt, décédé des suites d’une pathologie liée à l’exposition à l’amiante, due à la faute inexcusable de l’employeur.

Vu l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article 1382 du code civil

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le décès de Marcel X…, survenu avant la naissance de l’enfant Maeve, et le préjudice allégué,le tribunal a violé le texte susvisé.

L’enfant simplement conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt. Ce principe ancien que l’on retrouve dans le droit romain « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur » n’est pas inscrit en tant que tel dans le Code civil. Il est écarté en l’espèce au détriment d’une victime par richochet.
 

Avis de la Cour de Cassation du 6 octobre 2008, avis n°08-00009 : le FIVA doit faire une offre pour chaque chef de préjudice, poste par poste.

Le 29 octobre 2007, la Cour de cassation a rendu l’avis suivant :

« la rente versée en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale à la victime d’un accident du travail indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité ; elle doit en conséquence s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les pertes de gains professionnels puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Si la caisse de sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer ce recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ».

Ces dispositions, et au premier chef celles de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s’appliquent-elles aux offres d’indemnisation du FIVA qui, en vertu des dispositions de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, doivent tenir compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice, et ce, bien que le FIVA n’exerce pas de recours subrogatoire ?”

Vu les observations déposées par SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez pour M. Guy Marbach ;

Vu les observations déposée par Me Le Prado pour le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ;

Sur le rapport de M. Adida-Canac, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lautru, avocat général, entendu en ses observations orales ;

EST D’AVIS QUE :

L’article 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 impose au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l’application de l’article 31, alinéas 1er et 3, de cette loi, dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 .

En application de cette avis, la Cour d’Appel de Douai (suivie par d’autres cours) à jugé que : 

 « l’indemnité offerte par le FIVA au titre de l’incapacité fonctionnelle répare, selon  la définition adoptée dans son barème indicatif : la réduction d’un potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d’une atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne, qu’il s’agit donc de l’indemnisation d’un chef de préjudice personnel et non d’un préjudice patrimonial, le FIVA indemnisant distinctement la perte de gains et le préjudice économique ».

Puis la Cour a précisé à propos de l’indemnité versée par l’organisme social : « si le FIVA souhaite l’imputer sur un poste de préjudice personnel, il lui appartient d’établir qu’une part de cette prestation a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable pour un tel poste de préjudice personnel.

Que le FIVA qui n’apporte pas la preuve dont il a la charge ne peut opérer la déduction du capital versé par la sécurité sociale » (CA DOUAI, 22/05/08, DESPICHT C/ FIVA, RG n°07/07415).

Amiante, préjudice réparable, offre acceptée, nouvelle demande d’indemnisation pour une période antérieure à la période déjà indemnisée, recevabilité, conditions.
 

Cour de Cassation 2e Ch Civile, 15 mai 2008, n° 07-17.119 :

En l’espèce l’offre acceptée ne pouvait comprendre dans son objet des éléments de préjudice réparable invoqués pour le cours d’une période antérieur qu’elle ne couvrait pas.

Attendu que pour débouter M. X… de son recours en indemnisation complémentaire pour la période comprise entre le 18 avril 1992 et le 30 septembre 1999, l’arrêt énonce que si M. X… souffre de plusieurs pathologies, seules les plaques pleurales sont en lien avec son exposition à l’amiante ; que lorsque M. X… a accepté l’offre faite par le Fonds le 17 juin 2003, il a en outre signé la mention suivante : « Je prends acte que l’acceptation de l’offre vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice » ; que le même préjudice s’entend de celui existant en tous ses paramètres de calcul au jour où l’offre a été acceptée ; que la demande de M. X… étant irrecevable, c’est à juste titre que le Fonds a refusé de lui faire une offre.


Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté, après expertise, que la date certaine de première constatation de la maladie avait été portée à la connaissance de la victime et du Fonds postérieurement à l’acceptation de l’offre d’indemnisation d’un préjudice subi à partir du 1er octobre 1999, de sorte que l’offre acceptée ne pouvait comprendre dans son objet des éléments de préjudice réparables invoqués pour le cours d’une période antérieure qu’elle ne couvrait pas, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Amiante, épouse d’un salarié atteinte d’une maladie due à l’exposition à l’amiante, faute civile de l’employeur, droit à réparation. Cass Civ 2e 10 avril 2008, n° 07-15.758

Commet une faute de négligence et d’imprudence engageant sa responsabilité civile envers l’épouse, l’employeur qui omet de prendre, à l’égard de ses salariés comme de leurs proches vivant en famille sur le site industriel et exposés aux poussières d’amiante, les mesures propres à limiter ou à écarter le risque de contamination.

Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d’appel, qui, par motifs propres et adoptés, a pu en déduire que la société Saliens, membre de la chambre syndicale de l’amiante, en s’abstenant de prendre à l’égard de ses salariés comme de leurs proches vivant en famille sur le site industriel et exposés aux poussières d’amiante les mesures propres à limiter ou à écarter le risque de contamination, avait commis à l’égard d’Aline X…, victime d’une maladie due à l’exposition à l’amiante, une faute de négligence et d’imprudence engageant sa responsabilité civile.