Presque trois ans après la loi du 21 décembre 2006 modifiant les dispositions relatives au recours des tiers payeurs, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’imputation de la rente accident du travail, de la pension militaire d’invalidité et de l’allocation temporaire d’activité sur le déficit fonctionnel permanent.
Depuis l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours des tiers payeurs s’exerce « poste par poste » de préjudice, sur les seules indemnités réparant des préjudices pris en charge par les tiers payeurs, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
Toutefois, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.
Dans un avis du 29 octobre 2007, la Cour de cassation avait précisé que ces dispositions s’appliquaient également aux prestations versées en accident du travail. La rente accident du travail indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité. Elle doit donc s’imputer d’abord sur les pertes de gains professionnels, puis sur l’incidence professionnelle.
Mais «si la caisse de sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer son recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ».
Par six arrêts rendus le 19 mai 2009, la chambre criminelle a jugé pour la première fois, que la rente accident du travail, la pension militaire d’invalidité et l’allocation temporaire d’invalidité réparent nécessairement, en tout ou partie, l’atteinte objective à l’intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent (DFP) (voir Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-82.666, no 08-86.485, n° 08-86.050, n° 08-84.261, n° 08-84.896, n° 08-83.529),.
Mais l’imputation de ces prestations sur le DFP n’est possible que si elles excèdent les pertes de gains professionnels futurs (PGPF) et l’incidence professionnelle (IP).
Quant à la chambre civile et ses quatre arrêts du 11 juin 2009, la Cour décide que même en l’absence de préjudice professionnel (PGPF et IP), ces prestations ont vocation à s’imputer sur le DFP…sans préciser dans quelle proportion et mesure…
En effet, selon la Chambre civile, la rente accident du travail ainsi que l’allocation temporaire d’invalidité indemnisent d’une part les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et d’autre part le déficit fonctionnel permanent » (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, no 08-17.581, n° 07-21.768, n° 08-11.853, n° 08-16.089).
Ces prestations présentent donc un caractère « mixte » et peuvent donc être déduites de l’indemnisation de la victime.
Il appartiendra aux cours d’appel de renvoi de préciser dans quelle mesure et proportions les prestations doivent s’imputer sur les postes patrimoniaux en priorité, puis sur le poste extrapatrimonial ensuite…
Rappelons que le groupe de travail Dinthilac a recommandé en 2005 que les tiers payeurs soient désormais contraints de présenter à l’organe d’indemnisation un état de leur créance relative à la rente versée à la victime contenant une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel et celle visant à en indemniser la partie extra-patrimoniale.
A défaut, si les tiers payeurs n’effectuaient aucune diligence pour procéder à cette “clé” de répartition, le groupe préconise que l’organe d’indemnisation pose une présomption réfragable de partage à égalité entre les parts patrimoniale et extra-patrimonial et du préjudice corporel ainsi indemnisé par l’intermédiaire du versement de la rente.
Cette question de répartition n’est donc toujours pas tranchée !