Traumatisme crânien

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Article réalisé en collaboration avec Anaïs Gibrail, psychologue à orientation cognitive, coordinatrice du Service d’Accompagnement Médico Social pour Adultes Handicapés, Traumatisés crâniens et Cérébro-lésés des Bouches du Rhône (SAMSAH TC-CL 13) titulaire du DIU traumatismes cranio-cérébraux de la faculté de médecin de Nimes/Montpellier.

Le Traumatisme cranio-encéphalique ou traumatisme crânien

Qu’est ce que le traumatisme cranio-encéphalique ? Le cerveau le cervelet et le tronc cérébral forment l’encéphale. Le traumatisme cranio-encéphalique (ci après traumatisme crânien) regroupe les lésions traumatiques du crane et de l’encéphale.

Le traumatisme crânien est une cause majeure de mortalité et de handicap en particulier au sein de la population des jeunes hommes adultes, à l’origine de déficits moteurs, sensoriels et cognitifs.

Chaque année en France, 180.000 personnes sont victimes d’un traumatisme crânien, 155.000 sont hospitalisées, 80% sont dits traumatismes crâniens légers, 11% sont dits modérés et 10% graves.

Le traumatisme crânien est causé par deux mécanismes distincts qui peuvent se cumuler : le traumatisme par choc direct (choc direct, projectile) et le traumatisme par décélération (lésion causée à l’opposée de l’impact direct et lésions de cisaillement entre différentes parties du cerveau).

Sur le plan anatomique, on peut distinguer deux types de lésions. Les lésions parenchymateuses atteignent le cerveau lui même (œdème, contusions, lésions axonales diffuses hémorragiques ou non hémorragiques) et sont responsables en grande partie du pronostic et disposent de peu de traitements curatifs possibles.

Les lésions extra parenchymateuses sont curables chirurgicalement.

Le traumatisme crânien s’ajoute parfois à un polytraumatisme.

La prise en charge précoce du TC

La prise en charge précoce des personnes victimes d’un traumatisme crânien sévère (débute à l’arrivée des secours) a connu de grands progrès depuis plusieurs décennies améliorant ainsi la qualité du pronostic des patients et leurs chances de survie.

L’imagerie médicale a connu des avancées technologiques majeures (scanner cérébral et imagerie par résonnance magnétique) permettant d’améliorer la prise en charge de ces patients.

La gravité du traumatisme se mesure à l’aide d’une échelle d’évaluation des troubles de la vigilance, l’échelle de  Coma de Glasgow prenant trois paramètres en considération : l’ouverture de yeux, la qualité de la réponse verbale et celle de la réponse motrice.

Le score de Glasgow est utilisé à des fins de diagnostic et de pronostic.

La prise en charge précoce du traumatisé crânien est centrée sur le traitement des lésions initiales causées par le traumatisme lui même (indications chirurgicales par exemple), mais aussi sur la prévention de l’aggravation de l’état du blessé en raison d’agressions cérébrales secondaires d’origine systémiques (fonctions ventilatoires, hémodynamique, glycémie) ou intracrânienne (pression intracrânienne). Ces facteurs d’aggravation font l’objet d’un monitorage.

Le traumatisme crânien est donc causé par une lésion primaire (le traumatisme initial) évolutive, pouvant être suivie de lésions secondaires et sur lesquelles l’attention des professionnels est concentrée.

La prise en charge de l’éveil en service de médecine physique et de réadaptation

A la période de coma (état de non réponse dans lequel le sujet repose les yeux fermés et ne peut être réveillé) succède une période d’amélioration du niveau d’éveil et de conscience (état végétatif, état de conscience minimale ou Minimal Conscious State MCS, et émergence de MCS).

Réouverture des yeux, réapparition de la conscience puis restauration des fonctions cognitives se succèdent dans la phase d’éveil.

La durée de l’amnésie post-traumatique sépare la perte de conscience initiale de la récupération des souvenirs d’un jour à l’autre et sa durée à une valeur pronostique.

Si les grandes fonctions sont stabilisées, la personne victime d’un traumatisme crânien est alors  prise en charge par une unité d’éveil ou service de rééducation post réanimation (SRPR).

Débute ainsi la pris en charge du blessé par la médecine physique et de réadaptation dans les centres de rééducation fonctionnelle, dans lesquels un programme de rééducation est élaboré par une équipe pluridisciplinaire tournée vers la réadaptation du blessé.

La médecine physique et de réadaptation des services SMPR se concentre sur les déficiences et incapacités autour d’une équipe multidisciplinaire coordonnée par le médecin de MPR.

Au cours de la prise en charge, les familles des personnes victimes TC coexistent avec l’équipe soignante autour du blessé, tous étant soumis à une charge émotionnelle parfois insupportable.

Les séquelles du TC

Le traumatisme crânien peut être parfois associé à de séquelles physiques ou fonctionnelles parfois graves.

Mais à long terme les troubles cognitifs et comportementaux sont la principale cause des handicaps professionnels, sociaux et personnels. On parle d’atteinte des fonctions supérieures.

C’est là toute la particularité des séquelles du traumatisé crânien.

Troubles de la mémoire de l’attention et de la concentration, altération des fonctions exécutives, modifications du comportement et de la personnalité bouleversent la personne et sa relation à l’environnement.

La personne victime d’un traumatisme crânien n’est plus tout à fait la même, ni tout à fait une autre…

Le cercle des amis se rétrécit, l’insertion professionnelle remise en cause, les loisirs deviennent rares, la famille se désagrège…

Au rang des handicaps, la conduite automobile est l’une des premières capacités perdues, puis viennent l’incapacité de mener la gestion des affaires personnelles budget ou les démarches administratives…

La perte d’autonomie de la personne victime d’un traumatisme crânien conduit à de fréquents retours au domicile parental ou à l’isolement, ou au besoin d’une aide humaine pour la vie sociale administrative et domestique et les actes de la vie quotidienne…

Le traumatisme crânien est donc la cause de séquelles protéiformes, mais bénéficie d’une réinsertion aléatoire malgré les efforts de professionnels particulièrement impliqués et nécessite un suivi prolongé.

Les séquelles neuropsychologiques et comportementales du traumatisé crânien

Le traumatisme crânio-encéphalique est la cause de séquelles cognitives et de séquelles psycho-comportementales.

Ces séquelles constituent la grande spécificité du traumatisme crânien est sont fréquemment dénommées « handicap invisible ».

En effet, ces séquelles ne peuvent être évaluées comme le sont les séquelles motrices, et peuvent passer inaperçu non seulement auprès des tiers, mais aussi auprès d’un expert judiciaire chargé d’évaluer les séquelles d’une lésion cérébrale.

S’agissant des séquelles cognitives, la plainte principale des personnes traumatisées crâniennes concerne la mémoire et plus particulièrement la mémoire immédiate, le blessé oubli ainsi ses rendez-vous, ou ce qu’il a fait la veille….

La mémoire à long terme est souvent mieux préservée, la personne se rappelle souvent bien de son passé plus lointain, son enfance….

Les difficultés attentionnelles sont également très fréquentes : la personne éprouve des difficultés pour maintenir sa concentration sur la durée et se laisse distraire par des éléments extérieurs.

Ces difficultés mnésiques et attentionnelles sont accrues par la fatigabilité des personnes ainsi que par une plus grande lenteur dans le traitement des informations.

Les traumatisés crâniens rencontrent aussi d’importantes difficultés au quotidien dans le raisonnement, la prise de décision et la résolution de problèmes.

En fait, les processus d’exécution de l’action sont altérés : difficultés pour formuler un but (apragmatisme), manque d’anticipation et de planification, difficultés à exécuter une tâche (aboulie), impossibilité de vérifier et de corriger (persévération).

De ce fait le blessé éprouve des difficultés d’adaptation aux situations nouvelles et donc un manque de flexibilité très invalidant au quotidien.

Par ailleurs, en fonction de la localisation de la lésion cérébrale, la personne peut connaître des difficultés de langage c’est-à-dire l’expression et de la compréhension (aphasie).

La communication est rendue difficile avec l’entourage en présence d’un discours vague, avec rupture de sens, familiarités, non respect des tours de paroles…

On parle également d’apraxie et d’agnosie. L’apraxie est une difficulté dans la manipulation et l’utilisation adéquate d’un objet (la personne peut ne pas savoir comment s’habiller), alors que l’agnosie est la difficulté à identifier et reconnaître un objet.

Enfin, le traumatisme crânien entraine souvent un déficit de la métacognition, c’est à dire une altération de la conscience de soi.

La personne n’est pas consciente de ses séquelles, c’est l’anosognosie.

Des troubles de l’autocritique ou encore l’incapacité de se mettre à la place des autres ou de percevoir leurs émotions sont alors observés (théorie de l’esprit).

Ce déficit rend la prise en charge et les relations avec l’entourage particulièrement difficiles.

S’agissant des séquelles psycho-comportementales, des troubles du comportement sont très fréquemment observés chez les personnes cérébro-lésées.

Ces troubles du comportement s’expriment sous deux aspects : un versant plutôt inhibé et à l’opposé un versant désinhibé.

Cependant une même personne peut à la fois manquer d’initiative et être inhibée mais aussi être très irritable et présenter une certaine desinhibition.

Le versant désinhibé regroupe des comportements inadaptés sur le plan social avec une perte de contrôle de soi : familiarités, remarques à caractère sexuel, agressivité, irritabilité…

Le versant inhibé quant à lui se traduit par une apathie, une absence de prise d’initiative, un désintérêt pour soi et pour les autres, un désinvestissement…

On peut observer par ailleurs divers troubles : labilité émotionnelle, anxiété, dépression, égocentrisme, déni de la réalité…

L’évaluation médico-légale du TC

Dans un certains nombres de cas, la personne cérébro-lésée a droit à une indemnisation auprès d’un tiers responsable (par exemple en application de la loi Badinter pour les accidents de la circulation).

L’indemnisation peut être réalisée par une voie « amiable » ou judiciaire (voir les dangers de l’indemnisation « amiable »).

Se pose alors la question de l’évaluation des séquelles indemnisables du trauma crânien.

Les séquelles du traumatisme crânien sont protéiformes et en vertu du principe de la réparation intégrale, l’ensemble des dommages consécutifs à  un traumatisme crânien doit recevoir indemnisation.

Bien souvent, cette réparation intégrale est rendue difficile par deux facteurs.

Le premier est celui de l’anosognosie qui peut se définir comme l’absence de conscience de ses propres troubles par la personne victime d’un traumatisme crânien.

En effet, cette séquelle considérée comme un trouble neuropsychologique est fréquemment observée auprès de la personne victime d’un traumatisme crânien.

En outre et particulièrement dans le cas des traumatismes crâniens dits légers, l’absence de lésions objectivables à l’imagerie pose des problèmes d’imputabilité médico-légale.

Une mission spécifique de l’évaluation des séquelles du traumatisme crânien et destinée à guider l’expert judiciaire a été élaborée par un groupe de travail présidé par Madame Élisabeth Vieux, magistrat de la cour d’appel d’Aix en Provence.

Les spécificités de l’évaluation médico-légale de la personne victime d’un traumatisme crânien sont les suivantes :

–          une comparaison du mode de vie antérieur à l’accident, au mode de vie postérieur du blessé

–          une expertise médico-légale réalisée en présence des proches même si le blessé est majeur, et même réalisée au domicile du blessé (évaluation écologique ou situationnelle),

–          une confrontation entre les déclarations du blessé sur les conséquences de l’accident, et les déclarations des proches,

–          une évaluation des troubles neuropsychologiques,

–          une analyse de la qualité de vie du blessé et de son entourage,

–          l’analyse des besoins de tierce personne pour séquelles neuropsychologiques en particulier pour les déficits d’initiative et troubles du comportement,

–          l’analyse de l’opportunité d’une protection juridique (tutelle curatelle) du blessé.

L’évaluation des séquelles d’une personne victime d’un traumatisme crânien ne peut se faire sans la réalisation d’un bilan neuropsychologique qui doit être réalisé par un neuropsychologue spécialisé.

Il convient de ne jamais perdre de vue que les traumatisés crâniens graves présentent des séquelles portant essentiellement sur les fonctions supérieures. Le médecin expert devra donc en faire l’étude complète et précise sans oublier de réaliser un bilan moteur par un examen neurologique somatique.

L’analyse du handicap comporte aussi d’autres dimensions, notamment l’examen du maintien ou de la perte du rôle familial du blessé, de ses capacités d’intégration sociale et d’insertion professionnelle.

S’agissant de l’évaluation des séquelles du traumatisme crânien chez l’enfant, plusieurs particularités se présentent, en particulier on ne peut comme pour l’adulte, dans le but d’apprécier les conséquences du traumatisme crânien, comparer l’enfant à ce qu’il était. Il doit être comparé à ce qu’il aurait du devenir.

Pour l’analyse des capacités professionnelles, une évaluation dans une structure spécialisée peut être nécessaire telle qu’une unité d’évaluation de réentraînement et d’orientation sociale et professionnelle pour cérébro-lésés (UEROS), une association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) un centre de pré orientation…

Contrairement à une idée reçue, la plupart des tests d’évaluation sont « multi-corrélés » et empêchent toute simulation de la part de la personne observée.

Dans la plupart des cas l’assistance d’un médecin compétent aux cotés de la personne victime d’un traumatisme crânien est indispensable au cours de toute opération d’expertise y compris « amiable ».

L’évaluation des séquelles consécutives à un traumatisme crânien et la consolidation des lésions encéphaliques ne peuvent intervenir que plusieurs années après l’accident (3 ans minimum).

Pour aller plus loin :

Un ouvrage : Prise en charge des traumatisés cranio-encéphaliques, de l’éveil à la réinsertion.

Une adresse : le Centre Ressources pour Lésés Cérébraux de Grenoble : www.crlc-fsef.org

Un document : Mission spécifique TC à Jour de la nomenclature Dintilhac

Une décision de justice : TGI Grenoble, 5 février 2010, ordonnance de référé, motard accidenté, trauma cranien grave Glasgow 7 : Pour la première fois à notre connaissance, le président du tribunal de Grande instance de Grenoble donne à un expert neurologue une mission spécifique dite « Vieux » pour rendre compte des séquelles du requérant voir l’ordonnance faisant application de la mission « Vieux »

Lésions cérébrales et épilepsie post traumatique

Le nombre de traumatismes cranio-cérébraux (TC) reste d’une incidence majeure en France malgré les progrès de la médecine d’urgence et de la neurochirurgie.

L’un des séquelles fréquemment retrouvée est l’épilepsie post traumatique, post traumatique car  en relation de cause à effet avec un TC qui précède cette crise. L’épilepsie post traumatique se caractérise aussi par sa récurrence et son caractère focal.

L’épilepsie post traumatique pose des problèmes fréquents d’imputabilité médico-légale.

En effet, l’épilepsie post traumatique est un facteur d’aggravation du pronostic lésionnel, peut donc constituer en soi un préjudice indemnisable devant les tribunaux avec notamment un traitement médicamenteux au long cours, et pouvant se manifester à distance de l’accident dont il est demandé réparation, parfois même au delà de plusieurs années.

Lire l’article Lésions cérébrales et épilepsie post traumatique en entier

En savoir plus sur le traumatisme cranien ou prendre contact avec les professionnels de la prise en charge du traumatisme cranien en Isère, le Centre Ressources pour lésés cérébraux : http://www.crlc-cmudd.org/